lundi 31 décembre 2012

Tribute to Cycling : The Legend must go on !

Une image vaut souvent mieux que mille mots, alors vous pensez avec quatre illustrations ! Cadeaux issus de la collection d’un artiste écossais (*), on ne saurait trouver meilleure opportunité pour souhaiter, se souhaiter et vous souhaiter les meilleurs vœux.

Des vœux de bonheur, de réussite et de santé qui s’adressent à toutes (il y a de plus en plus de féminines sur le vélo, où que l’on pédale) et à tous, sportifs, compétiteurs ou non.

Pour être engagé dans la « chose » cycliste depuis déjà un certain temps, je ne peux qu’appeler de tous mes vœux à une meilleure concertation de tous les acteurs (institutions, membres et responsables de clubs, organisateurs, partenaires) mais surtout à une volonté qui n’est pas uniquement de façade.

Le sport cycliste est menacé sous notre latitude alors qu’il émerge de presque partout. Pourtant, le savoir faire et les moyens ne manquent pas. C'est plutôt du côté de la  volonté qu'il faut aller voir. Elle s’étiole, vraisemblablement par manque de vision et de stratégie à moins que ce ne soit qu’un simple oubli, celui de payer un peu de sa personne. Les anglais ont une formule qui les ont mené tout en haut de l’Olympe il y a peu : « comitment and dedication » que l’on traduira en « engagement et dévouement ». Juste ça. Oui, mais c'est déjà beaucoup !

L'an 2012 a fauché injustement deux hommes, Bernard Vifian et Ernesto Rodriguez (dit Bobby). L'un comme l'autre étaient de vrais militants du cyclisme, que nous ne pouvons décevoir.

Alors, pour que la légende dure et comme j’aime à le rappeler : “Si c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon, c’est en haut du col que l’on reconnait le cycliste !” Un petit effort et très bonne année à tous !

William Fracheboud, alias speedywilly

(*) Andy Arthur, © Magnificent Octopus Illustration (Magnificent Octopus on Flickr)
Image ci-dessus : Composition à partir de 4 illustrations pour mailing aux amis et partenaires de l'association Bikeinlove Cycling Management

mercredi 12 décembre 2012

Le soleil ne se couche jamais sur la planète vélo

Edward Hopper, French Six-Days Bicycle Rider, 1937
On le disait de l’Empire britannique jusqu’à la dernière guerre mondiale. Même si l’expression n’était pas nouvelle car, faut il le rappeler, si l’empire britannique eut le contrôle des océans et d’une grande partie des terres, ils avaient été précédé par les Espagnols dans la conquête des colonies, d’où l’expression prend son origine (“El imperio en el que nunca se pone el sol”).

Il n’y a guère que l’athlétisme qui puisse rivaliser en terme de richesse, et encore. A l’instar du plus vieux des sports, le cyclisme est par nature pluridisciplinaire. Mais c’est sans compter sur le fait que les disciplines du cyclisme se divisent en « sous disciplines » au sein desquelles les épreuves sont souvent fortement typées jusqu’à en forger le profil des athlètes.

Le cyclisme sur piste pour exemple

En mixant avec une belle opportunité des épreuves d’endurance et de vitesse (sprint), le cyclisme sur piste est à cet égard tout à fait symbolique de la diversité du cyclisme. Bien qu’il fût longtemps confiné à une activité hivernale – notamment sur les vélodromes couverts situés en Europe - le cyclisme sur piste à lui seul est quasiment devenu un sport en lui-même. Sous l’effet de son développement et notamment dans les pays de l’hémisphère austral, le calendrier s’est étoffé et est désormais proche de celui de la saison route.

Mondialisation et spécialisation marchent de concert

Sous l’effet conjugué de la mondialisation – avec pour corolaire une augmentation des effectifs – et de la spécialisation, conséquence logique, mais aussi souhaitée par les instances dirigeantes, nombre d’athlètes ont fait de la piste leur spécialité, boudant les autres disciplines du cyclisme. Lorsque l’on y regarde d’un peu plus près, on voit que certaines épreuves de la piste sont si exigeantes, si pointues en terme de préparation qu’elles ne vous laissent guère de chance de briller dans des épreuves sœurs. Pour exemple, on voit mal comment un sprinter s’alignerait dans une épreuve Scratch ou pire, de jouer les écureuils dans une Madison sur 40 ou 50 km.

Face à cette spécialisation des pistards, l’Omnium, instauré il y très peu d’années, est venu offrir une opportunité pour ceux qui refusent cette spécialisation à outrance. A l’image d’un décathlonien, le pistard qui participe à l’Omnium s’aligne dans six épreuves en deux jours selon un programme très précis. En mixant avec bonheur des épreuves d’endurance et de vitesse, l’Omnium répond aux souhaits des athlètes polyvalents qui veulent briller sur la piste et accessoirement à maintenir certaines épreuves menacées comme l’Eliminatoire (course à l’élimination).

L’exemple de la piste peut être décliné dans ses disciplines sœurs. Le VTT – une discipline qui n’a pas encore fêté ses vingt ans d’âge - est également subdivisé en « sous-disciplines ». Sans prendre les extrêmes comme la descente (DH), on voit bien que ceux qui brillent dans les épreuves de cross-country (XCO) n’ont pas l’endurance suffisante sur les plus grandes distances (XCM). L’inverse est également vrai. Les athlètes qui s’alignent habituellement sur les grandes distances ne peuvent guère briguer les premières places dans les courses de cross-country par manque d’explosivité. Le cyclisme sur route ne fait pas exception. Il a lui aussi ses spécificités qui conduisent à la spécialisation. Une spécialisation fortement décriée par ceux qui regrettent l’époque d’un Merckx remportant Milan - San Remo en mars et le Tour en juillet.

La diversité a un coût

La richesse qui fait la particularité du cyclisme a aussi sons revers. Une telle diversité a forcément pour conséquence une dispersion des forces. Sur le plan technique, une telle spécialisation a aussi son coût, c’est autant de règlements, autant de structures organisationnelles, autant de méthodes pour assurer son développement.

On peut enfin s’interroger sur la visibilité d’un sport aussi protéiforme que le cyclisme et de savoir si celle-ci n’est pas affectée par cette diversité. Surtout si on le compare aux schémas simplifiés du tennis ou du football qui à l’opposé du cyclisme bénéficient d’une perception uniforme ainsi que d’une hiérarchie très claire de ses pratiquants (l’un comme l’autre remplissent les stades et bénéficient d’une plus grande exposition aux médias).

Des opportunités comme s’il en pleuvait

Mais le particularisme du cyclisme est aussi une chance par les opportunités qu’il offre. Ceux qui commencent dans une discipline peuvent à moindre frais passer d’une discipline à l’autre dans leur cursus de formation comme dans la pratique sportive et de compétition. Nombre de cyclistes passent avec bonheur d’une discipline à l’autre, ne serait-ce que pour maintenir une condition physique à un moment creux de la saison, l’exemple des routiers en cyclocross lorsque les calendriers sont complémentaires en est l’une des preuves. Enfin, le passage d’une discipline à l’autre doit aussi être perçu comme une chance pour garder ses propres sportifs en les amenant vers des pratiques sportives plus en adéquation avec leurs capacités et leurs envies.

Universel, le cyclisme ne l’est peut être pas encore totalement mais n’en est plus très loin. Après la prise du pouvoir par les pays anglo-saxons, la montée en puissance de pays émergeants, notamment ceux de la corne de l’Afrique comme l’Erythrée, est un gage de réussite vers plus de cyclisme. N’en déplaise aux cassandres, l’âge d’or du cyclisme n’est pas passé, il est pour demain, pour que le soleil ne se couche jamais sur la planète vélo.

Photo : “French Six-Days Bicycle Rider”, 1937. Huile sur toile, collection privée.
A propos de cette image, voici ce qu’en dit la biographe d’Edward Hopper, Gail Levin : http://tubulocity.com/?p=1288 et http://www.bobkestrut.com/2005/10/20/edward-hoppers-universe-new-york-a-nagging-wife-and-nazis/

samedi 3 novembre 2012

Eloge de la simplicité

Budnitz Bicycles Model No 3 Titanium
“Less is More”

Avant de devenir une tendance de plus en plus forte et actuelle, les initiatives minimalistes avaient déjà pris formes dans l’architecture dès les années 50. Précurseur, Ludwig Mies van der Rohe, architecte allemand émigré aux USA et ancien membre de l’école du Bauhaus, réalisera le très représentatif Seagram Building de New York.

Aujourd’hui, si des concepts minimalistes ont émergés sur toutes les berges de notre société, on le doit généralement en réaction à l’augmentation de la complexité ou à nos comportements face à l’abondance des biens de consommation.

Le vélo n’échappe pas à la vision minimaliste. Décalée des productions de l’industrie actuelle, une telle approche ne peut être que l’œuvre de petits constructeurs. Si des prototypes au design épuré circulent sur le web, ils ne sont pour la plupart que des « rats de laboratoires » ou des « vitrines » parce que mettant en œuvre des technologies encore en phase de développement, sans parler de prix prohibitifs.

Miraculée conception 

L’approche pragmatique de Paul Budnitz (1) est toute autre. Aucun appel à des technologies sophistiquées. Rien que des matières nobles taillées comme des objets d’art. Un design on ne peut plus épuré, d’une élégance rare quelque soit l’angle de vue, les réalisations de Budnitz Bicycles (Boulder, CO) sont définitivement insensibles à l’usure du temps.

Chez Paul Budnitz la simplicité est entièrement au service de la fonction, conforme aux principes originaux du minimalisme exprimés par la fameuse formule du même Ludwig Mies van der Rohe, Less is more.

Plus intéressant est le fait que cette simplicité n’est jamais perçue comme une radicalisation pure et simple ou comme un appauvrissement. Bien au contraire, grâce à un travail des formes et sur l'esthétique, l’objet attire, flatte l’œil et les sens. Convoité assurément, il n’y a qu’à voir le court métrage Le Grand Tour (2), un trait d’humour pour ce génial concepteur bien inspiré.

(1) Paul Budnitz est artiste, auteur de livres, designer et entrepreneur, il est notamment le fondateur de Kidrobot (jouets produits en édition limitée).
(2) Le Grand Tour, court métrage réalisé par Russ Lameuroux et inspiré du cinéaste français François Truffaut.

samedi 27 octobre 2012

Le vélo et le cinéma : Objet du désir

Après avoir égratigné le monde de la BD pour avoir longtemps laissé le vélo hors des planches à dessins, les albums de Christian Lacroix (alias Lax) sont venu contredire des allégations jusque là bien légitimes. Certes, il y a bien eu les aventures du Petit Nicolas, mais là on est en classe enfantines à côté de la trilogie signée Lax. Une trilogie qui ressemble à un triptyque tant la touche artistique est marquante.

Cet obscur objet du désir

Le cinéma ne daigne pas non plus attacher trop d’importance au vélo. On oubliera Le Vélo de Christian Lambert, caricature d’un champion vampirisé. Mieux les apparitions rares et sublimes de Jeanne Moreau dans Jules et Jim ou la scène de Butch Cassidy and the Sundance Kid d’une extrême sensualité où le couple Paul Newman – Katharine Ross (elle en amazone sur le cintre) dévale une pente. Restent le morceau de bravoure historique Fausto et la dame blanche, mélodrame sur la vie sentimentale d’une icône et les films de Jacques Tati, dont l'inoubliable Jour de fête. Mais le vélo comme sujet d’intrigue reste rare. Le vélo du récent Gamin au vélo des frères Dardenne n’est qu’un objet, pas le sujet.

Sorti de la pénombre grâce au DVD, Le voleur de bicyclette est un monument du cinéma italien. Réalisé par Vittorio de Sica en 1948 avec des acteurs non professionnels, le film est l’archétype du néoréalisme. Si le film a longtemps été au centre des débats entre cinéphiles (à lire les analyses du film par la critique dont celles d’André Bazin ou de Gilles Deleuze), c'est justement parce qu'il cassait les conventions narratives traditionnelles au profit d'une structure nouvelle, en phase avec les changements de société des années 50.

Fable sociale et humaine dans une Italie (l’histoire se passe à Rome) qui se reconstruit au sortir de la guerre, le film exerce une rare puissance dramatique dans un contexte économique difficile et dans lequel le vélo est au centre de l’intrigue.

Au chômage, privé de sa bicyclette pour avoir dû la laisser en gage, notre héros devra se saigner aux quatre veines (son épouse vendra le linge de la maison) pour récupérer un bien indispensable à un inespéré boulot de colleur d’affiche et se redonner un peu d’espoir. Un espoir qui sera rapidement anéanti. Se faisant voler son vélo, notre héros passera ses journées à tenter de le retrouver pour finalement, en vain, se transformer en voleur. Arrêté, lynché et humilié devant son jeune fils, c’est pourtant de ce dernier que viendra l’espoir, rendant à son père une dignité perdue lors d’une dernière scène poignante.

Souvent classé dans les dix meilleurs films jamais réalisés (il est le préféré de Woody Allen), le film a néanmoins été critiqué pour avoir donné une image misérabiliste de l’Italie et de faire penser que les italiens seraient tous des voleurs de vélo (le titre original est Ladri di biciclette). Un chef d’œuvre du cinéma qui peut aussi se lire, le film étant une adaptation du livre de Luigi Bartolini « Les voleurs de bicyclettes », publié deux auparavant.


Photo : Lamberto Maggiorani et Enzo Staiola. Crédits photo : DVDBeaver

Le voleur de bicyclettedernière scène (YouTube)

Autres articles du blog :
Le vélo fait son cinéma : 7ème art : Facteurs à vélo
BD de Lax : L'aigle sans orteilsPain d'Alouette, L'écureuil du Vel d'Hiv

jeudi 18 octobre 2012

“Chronique d’une mort annoncée” (*)

Tant et tant ont déjà été dit sur l’« affaire ». Il faudra pourtant se résoudre à ce que celle-ci déverse encore son fiel de tricheries et de complicités, ou du-moins peut-on l’espérer tant les signes « d'aller au bout » sont tangibles. Désormais lâché par tous, on voit mal comment le navire Armstrong avec son capitaine à bord ne coulerait pas.

Mais pouvait-il en être autrement.

Et pourtant, Lance Armstrong n’avait-il pas réussi à battre en brèches tous les procès et litiges entamés contre lui. Pendant plus d’une décennie l’arrogance et les intimidations d’Armstrong et de son entourage auront suffit à ne soulever qu’inimitiés et controverses à son encontre. Toutes les attaques portées par ses détracteurs avaient été jusque là taillées en pièces ou ont été suivies d’un arrangement. Qui ne se souvient pas de la virulence des propos aux questions de Paul Kimmage, journaliste au Sunday Times lors d’une conférence de presse avant Tour, ou encore de Pierre Balester, journaliste et reporter à L’Equipe qui signera avec David Walsh un pamphlet très documenté au nom évocateur de L. A. confidential : les secrets de Lance Armstrong. Qui ne se souvient pas du mépris à l’égard de ceux qui chercheront à s’affranchir de la dictature imposée, Bassons et Simeoni en tête. Quant aux preuves de dopage communiquées par le journal l’Equipe en 2005, on sait depuis qu’un certificat antidaté permettra de sauver le vainqueur du Tour 99 d’une situation compromettante.

D’un égo démesuré, Armstrong se sentait hors de toute attaque et assurément au dessus des lois. En s’entourant de personnes influentes, l’homme a cependant eu la naïveté d’ignorer la phrase de Voltaire : “Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge“, démontrant une fois encore que le danger vient le plus souvent de l’intérieur, des siens. Voulant être calife à la place du calife ou ne supportant plus la subordination, Floyd Landis et Tyler Hamilton, partis les premiers sous d’autres cieux, seront eux pris par les contrôles et la justice. Ces “traitres“ qui auront tout perdu n’hésiteront pas à franchir le Rubicon de l’omerta devant la justice sur les pratiques interdites pendant les années passées en compagnie du texan d’Austin. Des aveux qui seront suivis dans le cadre de l’enquête de l’USADA par d’autres coureurs américains, tous sanctionnés désormais.

Aujourd’hui accusé par l’agence américaine anti-dopage (USADA), Armstrong s’est vu privé de toutes ses victoires depuis 1998 dont les sept Tours de France, bien que la décision finale appartienne à l’UCI. L’Agence mondiale antidopage (WADA) ayant depuis confirmé les accusations, il ne reste plus qu’à l’UCI de se prononcer pour que la condamnation sportive soit complète. On voit mal comment cette dernière pourrait s’opposer et faire appel au TAS. La décision en suspens du CIO à propos de la médaille de bronze acquise dans le contre-la-montre des JO de Sydney en 2000 apparaît dès lors comme anecdotique, mais néanmoins symbolique.

Il faut saluer le travail et l’obstination d’un homme et de son équipe. En six mois, Travis Tygart et l'USADA ont réussi à repartir de zéro ou presque et consolider un dossier aux preuves accablantes. L’UCI, la plus haute institution sportive et gardienne du sport cycliste, sera la dernière à se prononcer après avoir pris acte du dossier américain. Une curiosité qui étonne de nombreux observateurs, ajoutée au doute que cette dernière aurait pu couvrir le texan. Peut-être le saurons nous un jour.

Renversé, acculé, Armstrong serait pour une fois bien inspiré de donner ses raisons et faire des aveux. Un vœu certainement pieux. Tout dépend de sa ligne de défense. Mais lui qui très jeune avait appris de sa mère à ne jamais abandonner (souvenez-vous de sa fameuse phrase : “Pain is temporary. Quitting lasts forever.”), semble pourtant avoir décidé de jeter l’éponge pour éviter d’être mis en contradiction et d’être accusé de parjure, faute hautement punissable au Etats-Unis.

Prêt à tout suite à la guérison de son cancer, Armstrong s’est donné tous les moyens, y compris illicites, d’arriver à ses fins. Il ne lui sera certainement jamais pardonné d’avoir mis en place une organisation sur les cendres de l’affaire Festina au moment où le Tour et le cyclisme professionnel se cherchait une nouvelle crédibilité. On ne peut guère être plus indulgent face à quelqu’un qui usera habilement de la compassion à son égard après sa maladie. Enfin, s’il n’a certes pas inventé le dopage, il aura poussé toute une génération, qui consciente, ne se voyait pas rendre les armes aussi facilement.

Se servant du cyclisme plutôt que de le servir, Armstrong, n’entrera pas au panthéon, mais ça on le savait déjà et ceux qui l’y avaient placé ne s’en trouvent pas grandis, notamment ceux qui avaient salué son retour à la compétition en 2009, car parmi eux beaucoup savaient et nous ont trompé.

Greg Lemond, premier américain à remporter le Tour, devenu depuis plusieurs années l’un des plus grands détracteurs du texan avait dit en son temps : « Si son histoire est vraie, c'est le plus grand come-back de l'histoire du sport. Si elle ne l'est pas, c'est la plus grande fraude ». Comme il avait raison, plus de dix après, cette phrase n'en a que plus de sens. Maintenant, face à ce qu'il faut bien appeler un hold-up, la justice civile pourrait encore être saisie par ceux qui, lésés, voudront bien entamer de nouvelles procédures. Sale temps pour « L.A. », pas pour le cyclisme.

(*) : Chronique d’une mort annoncée, titre emprunté au roman de Gabriel García Márquez et adapté au cinéma par Francesco Rosi.

vendredi 31 août 2012

Christian Lax aime le vélo

Auteur de BD, Christian Lax aime le vélo avec tendresse et compassion, en y joignant le sens historique. Avec son dernier album, « L'écureuil du Vel'd'hiv », Christian Lax termine une trilogie commencée avec « L’Aigle sans orteils » et suivie des deux tomes de « Pain d’alouette ». Si le premier essai était consacré au Tour de France, le second s’est attaqué au monument nordiste, Paris – Roubaix, au sortir de la grande guerre.

Son dernier opus plonge le lecteur dans les années sombres de l’occupation et le Vel’ d’Hiv' de Paris. Hantés par les démons du nazisme et de l’antisémitisme, l’histoire et l’auteur retracent la vie des pistards à travers le portrait de deux frères, l’un champion et l’autre journaliste, confrontés à cette époque trouble, insoutenable pour ce qui sera de la déportation.

Le courage chez Lax est salvateur pour ses héros. Les personnages confrontés à des difficultés souvent insurmontables, doivent déployer des forces morales et physiques pour s’en sortir. Une force d’âme hissée au rang de vertu et commune à l’œuvre de Lax. Au rayon du vélo, Christian Lax rejoint définitivement les meilleurs auteurs littéraires du genre.

Voir aussi dans ce blog : L’Aigle sans orteils et Pain d’alouette

« L'écureuil du Vel'd'hiv », Edition Futuropolis, en vente dès septembre.

mardi 24 juillet 2012

Wiggins est grand

Dauphiné Libéré 2012
Pas seulement pour son mètre nonante (quatre-vingt-dix), mais pour bien raisons, dont il vaut la peine d’en énumérer quelques unes. Oui, à 32 ans, Bradley Wiggins est grand. Dans les faits, l'Anglais devient le premier coureur à remporter quatre courses par étapes dans une seule saison s'empare logiquement de la tête du classement UCI. Ce premier succès dans le Tour de France intervient seulement quelques semaines après les victoires à Paris-Nice, au Tour de Romandie et lors du Critérium du Dauphiné.

Wiggins est grand parce qu’il a, avec l’aide de son équipe, apporté la confirmation que « le cyclisme est un sport individuel qui se pratique en équipe ». Les Sky (que certains n’ont pas hésité à baptiser la « Royal Sky Force ») ont donné une formidable leçon de rigueur, de discipline et d’efficacité et par là, rendant au sport cycliste des lettres de noblesse que les va-t-en-guerre ont oublié. Si les vert-et-blanc (Liquigas-Cannondale) et les rouge-et-noirs (BMC) l’ont bien compris et en ont fait parfois la démonstration, force est de constater que, majoritairement, tous les autres ont agit, par opportunité ou par nécessité, en francs tireurs. A ce jeu, il n’est plus possible de revendiquer les premières places du classement général d’un grand Tour. Seuls les accessits et les étapes restent accessibles. Pour battre Bradley Wiggins sur ce Tour de France, il eut peut-être fallut que ses meilleurs contradicteurs, Evans, Vangarderen, Van den Broecke et Nibali fussent dans la même équipe.

Wiggins est grand parce qu’il n'a pas oublié que la volonté, le travail et la persévérence sont l’une des clés de la réussite, en sport comme ailleurs. Hors de cette vérité, point de salut. Une prometteuse 4e place dans le Tour 2009 avec l’équipe Garmin (année du retour d’Armstrong à la compétition) viendra le persuader de ses capacités pour les courses à étapes. Après une première année chez Sky en 2010 avec des résultats en retrait (un titre de champion national dans le CLM), 2011 doit être son année. Avec un très bon Paris-Nice en début de saison et une victoire dans le Dauphiné, il doit cependant déchanter suite à une chute lors de la 7e étape. Clavicule fracturée, Wiggins doit abandonner. Le rebond aura lieu quelques mois plus tard avec un podium au Tour d’Espagne.

Le discours de la méthode

Alors que les « traditionnels » haussaient les épaules lorsque les sujets de la couronne britannique annonçaient en 2010 pouvoir remporter le Tour dans un délai de quelques années, ces derniers mettaient en œuvre des programmes performants à l’attention de ses meilleurs éléments à Manchester où Wiggins, Cavendish et les autres en tiraient les plus grands bénéfices.

En réalisant avec succès le transfert de la piste à la route, British Cycling sous la direction sportive de David Brailsford et le soutien d’un sponsor inconditionnel, confirme ce qui divise encore le milieu : le cyclisme sur piste est un formidable laboratoire mais aussi et surtout un révélateur de talents grâce aux disciplines d’endurance et à la poursuite. Faut-il le rappeler, le réveil anglais a sonné après les formidables résultats obtenus sur la piste de Pékin lors des derniers Jeux avec pas moins de huit médailles d’or. Un réveil qui aujourd’hui sonne à l’unisson avec la vague anglo-saxonne qui ne cesse de croître.

Wiggins, le patient anglais

Avec deux médailles olympiques du plus beau métal, Bradley Wiggins savait qu’il prenait de l’avance sur les autres. Aujourd’hui, grandi grâce cette victoire qui ne doit rien au hasard, l'Anglais peut mesurer le chemin parcouru depuis ses 12 ans où il fréquentait un vélodrome au sud de Londres, encouragé par son père, ancien six-dayman. Bradley Wiggins est grand et avec lui c’est tout le cyclisme qui fait un pas en avant.

lundi 25 juin 2012

Bernard Vifian : Stoppé en plein vol


Auréolé d’une courte mais brillante carrière sportive qui le vit très vite fréquenter les sommets de la hiérarchie professionnelle, entre 1967 et 1971, avec des participations et des classements enviés dans grands tours nationaux, Tour de Suisse, de France et d’Italie. Bernard Vifian participa également à plusieurs reprises aux Championnats du Monde. Une période faste qui le vit courir sous des couleurs françaises (Frimatic-De Gribaldy), équipe dirigée par Jean de De Gribaldy, italiennes (Zimba-GBC) dont le leader était un certain Rudi Altig et suisses (Ovaphil-Bonanza). Si à cette époque Merckx avait commencé à marquer les esprits, les principaux chefs de meutes s’appelaient De Vlaeminck (Erik et Roger), Gimondi, Ocana, Agostinho, Poulidor, Pingeon, Zoetemelk, j'en oublie.

Titrés chez les Amateurs en poursuite (champion suisse en 1966 et 1967), Bernard Vifian a la force en lui qui le voit embrasser sans attendre (on ne parlait pas de catégorie Espoirs à cette époque) la carrière professionnelle alors qu’il n’a pas encore 23 ans. Avec une formidable et prometteuse troisième place au Tour de Suisse cette même année, il est engagé pour disputer son premier tour de France qu’il terminera à la 73e place. Les principaux faits d’armes resteront certainement cette troisième place au classement général final de notre tour national en 1969 (vainqueur Vittorio Adorni) et une 22e au Tour de France l’année suivante.

Pendant près de quatre décennies, il dirigea d’une patte de velours un commerce où le client était roi, le conseil avisé et le vélo chéri. Recherchant à satisfaire mais aussi à séduire une clientèle de plus en plus avisée, l’expert Vifian a toujours su trouver le bon ton, prioriser la qualité de la relation et adapter le conseil pour valoriser le choix du client. Qui n’a pas acheté un jour ou l’autre un vélo estampillé du célèbre logo rouge ! Mais le succès le plus durable, il le trouva certainement parmi sa troupe d’amis, les Vifianos, avec qui il partagea le meilleur lors des nombreux tours cyclistes, visitant tout le continent, et même le Maroc. Des amis qui aujourd’hui ont perdu leur père spirituel.

Retiré des affaires depuis un plus d’un an, Bernard Vifian terminait avec un succès enviable une seconde étape de vie. En de bonne main, le label Vifian pouvait continuer à flotter sur le paysage cycliste genevois et régional.

Atteint de plein fouet, spolié par une injustice manifeste, la trajectoire de Bernard a été stoppée nette, privant celui-ci du privilège d’un troisième acte ô combien mérité. Pour sa famille et ses proches, de savoir qu’il était aimé et apprécié de tous n’est certainement pas une consolation, mais néanmoins la source d’une grande fierté.


Photo © Jean-Marie Letailleur (Mémoire du cyclisme) : collection personnelle

mercredi 4 avril 2012

Adieu Bobby, noble et bienfaisant Hidalgo

Véritable forteresse vivante, Bobby compensait un physique taillé dans le granit par l’élégance d’une amabilité sans faille, notamment envers chacun de ses clients. A chacun, il savait trouver les mots, pour le moins lors d’un au revoir. Un savoir faire qu’il élevait sous forme de culte, vraisemblablement appris de ses origines cantabriques.

Pour avoir foulé sa terre natale de Cantabrie, notamment la ville de San Vincente de la Barquera qui exhibe en retrait du front de mer un pont d’une rare beauté, la région était devenue un sujet de conversation fréquent. Coincée entre le Pays basque à l’est et les Asturies à l’ouest, l’Atlantique et les massifs aux neiges quasi éternelles des Picos de Europa, la Cantabrie est certainement la moins connue des régions du nord de l’Espagne mais ne manque pas pour autant de charme. Bobby en avait gardé des attaches, des amis et un pied à terre qu’il ne tarda pas à me proposer pour vacances alors que nous avions, à ce moment là, à peine fait connaissance.

Homme engagé, véritable militant au service d’un cyclisme du plus grand nombre, Bobby avait construit autour du nom de son restaurant « La Colombe » une identification suffisamment forte que le succès des rendez-vous du dimanche matin ne démentit jamais. Une démarche personnelle dont le trait commun était celui d’une amitié bien réelle ; des rendez-vous auxquels il n’hésitait pas à participer en certaines occasions. Triste bitume où devoir poser sa roue, nombreux sont ceux qui désormais vont se retrouver orphelins.

Le cyclisme, il le connaissait au travers de ses relations et de ses affinités avec les coureurs et les directeurs sportifs des équipes espagnoles qui forment le peloton professionnel, et cela depuis l’ère Indurain. Parfois chahuté par des discussions de café à propos des « affaires » qui viennent trop souvent se substituer à l’actualité sportive, il savait étonnamment garder la retenue qui s’impose. Ami personnel de l’ancien patron de la célèbre équipe Once d’alors (tous deux ont usé les même bancs d'école de San Vincente de la Barquera) et de nombreux autres coureurs de la péninsule, Bobby conservera fidèlement, en restant au dessus de la mêlée, le sens de l’amitié. Pour preuve, contacté en ce début d’année il n'hésita pas à me fournir des coordonnées au service de l’un de nos élites romands à la recherche d’une équipe de niveau Continental.

Savoir qu’il n’est plus est aussi cruel qu’injuste. La cruauté des faits n’a d’égal que la soudaineté et la lâcheté d’une atteinte physique sans sursis. Injuste parce simplement insupportable.


Photo : Pablo Picasso, vol de la colombe

samedi 31 mars 2012

Victoire et podiums pour Andreas Anderegg au Tour du Cameroun

En Afrique l’improvisation est roi

En Afrique, l’improvisation est souvent la règle. Habitué des déplacements sur le continent noir et certainement plus prévenu que quiconque, Jean-Jacques Loup en maitrise parfaitement toutes les arcanes pour mener à bien ses projets sportifs sur ce continent. Pour avoir répondu présent à de nombreuses reprises avec des coureurs suisses lors du Tour du Cameroun, généralement sous les couleurs d’un sponsor valaisan (Meubles Descartes à Saxon qui par ailleurs possède un enseigne sur place), une nouvelle sélection s’est alignée au dernier Tour du Cameroun, une course à étapes au calendrier UCI de l’Africa Tour et qui s’est déroulée la du 8 au 17 mars.

Pour Jean-Jacques Loup, jongler avec les premières difficultés a commencé avant le départ, au moment de constituer son effectif. Trois des coureurs initialement prévus dans la sélection suisse ont dû renoncer, dont les romands Guillaume Bourgeois, engagé depuis dans une nouvelle équipe professionnelle, et le Genevois Benoit Beaud, diminué à son retour de stage d’Espagne et encore en condition insuffisante au moment du départ. C’est donc avec quatre coureurs seulement, dont le Genevois Andreas Anderegg contacté à quelques jours du départ, que la formation suisse sous la direction de Jean-Jacques Loup s’alignera au départ de ce Tour du Cameroun 2012.

Un départ dans des conditions physiologiquement limites

Les organisateurs de cette épreuve en quête de reconnaissance internationale et désormais très contrôlée sur le plan sportif ont cependant tout intérêt à favoriser les destinées de leurs coureurs. En faisant disputer les premières étapes dans le nord désertique sous une température de plus de 45 degrés, les organisateurs créent des conditions extrêmes auxquelles le premier blanc bec venu n’est pas nécessairement aguerri. Après les deux premières étapes, un déplacement permettra au peloton de retrouver des zones plus tempérées et des conditions moins contraignantes pour les organismes.

Le quatuor suisses porté continuellement sur l’offensive

Même bien informés, nombre de coureurs seront piégés lors de la première étape, la bonne échappée se fera sans l’un des membres de la sélection suisse. Le classement final a donc été fortement influencé par la première étape dans laquelle les équipes africaines, Cameroun et Côte d’Ivoire réussirent à placer quelques uns de leurs meilleurs représentants au sommet de la hiérarchie. Mais la réaction viendra côté suisse dès la seconde étape avec deux podiums puis deux victoires pour le Jurassien Yves Mercier et le Genevois Andreas Anderegg, deux coureurs qui courent surtout en France (tous deux sont licenciés dans des équipes françaises). Au final, avec neuf places dans les cinq premiers des huit étapes, le bilan est extrêmement favorable pour les protégés de Jean-Jacques Loup.

Andreas Anderegg en redemande

A terme de cette 10ème édition du Tour du Cameroun, Jean-Jacques Loup tirait un bilan très positif sur tous les plans et en particulier sur l’excellent comportement des coureurs, malgré le coup manqué lors de la première étape. Avec au final Andreas Anderegg (7e), Yves Mercier (15e) et Friedrich Dahler (18e). Le jeune Vaudois Dylan Page, jusque là également bien placé avec une seconde place dans la 6e étape, devra abandonné suite à une chute sévère l’avant dernier jour.

Andreas Anderegg, membre de la PEV et expatrié dans l’équipe française de DN2 Charvieu-Chavagneux Isère Cyclisme (CCIC) confirmait le point de vue de son directeur sportif et rapporte lui aussi dans ses bagages un excellent souvenir de cette campagne au centre de l'Afrique au point de vouloir y retourner l’an prochain. Même si les déplacements lors des deux étapes de repos ont été passablement chaotiques, le logement précaire et la nourriture parfois insuffisante comme le relève Andreas, l’ambiance y est grandiose avec beaucoup de monde et pas seulement lors des arrivées, c’est leur Tour de France et la sportivité de l'épreuve ne peut être remise en cause. Et d’ajouter avec beaucoup de considérations que certains africains ont vraiment le niveau pour se joindre aux meilleurs élites européens, certains d’entre eux devraient rejoindre prochainement le CMC.

Une évaluation qui contrastait singulièrement avec celle reçue après une autre course disputée dans ce même Cameroun en septembre dernier, le Grand Prix Chantal Biya, nom de l’épouse du président, disputé à quelques jours des élections. C'est finalement de bonne augure pour le développement du cyclisme sur le continent africain. Victoire au classement général final du prometteur Camerounais Yves Ngué Ngock, 23 ans.

Photos (J-J Loup) : La sélection suisse et l'encadrement sous la bienveillance locale. Andreas Anderegg, maillot vert (classement aux points).


dimanche 25 mars 2012

Voyage d’Italie

A plus d’une heure du passage du peloton de Milan-San Remo, aucun Ape (1) en vue pour servir de guide et faire le tempo dans cette montée entamée de la Cipressa. Le bruit caractéristique de son deux temps mais surtout son allure sont propres à dynamiser n’importe quel tempérament dans cette douceur d’un temps printanier de fin d’après midi sur les bords de la Méditerranée. Qu’importe, l’appel du sommet et l’attente d’un peloton déchainé à moins de 25 km de l’arrivée nous suffit.

Rencontré par hasard quelques instants auparavant autour d’une table dans une petit café de San Lorenzo al Mare, l'Allemand Linus Gerdemann (Team RadioShack), absent du peloton pour cause de douleurs à une hanche se satisfera d’un panini écrémé après plus de 270 km parcourus seul dans l’anonymat avant de rejoindre ses frères de roues à San Remo.

De la côte ligurienne à celle de l’Adriatique, il n’y a qu’un pas que seule l’envie de faire une semaine de vélo entre la mer et les monts romagnols nous permet de franchir avec gaité.

Quelques jours seulement après la fin de la course des deux mers (Tirreno-Adriatico) et Milan-San Remo, la ville de Riccione qui jouxte la capitale balnéaire qu'est Rimini, est le centre névralgique d'une course à étape, la bien nommée Semaine internationale Coppi Bartali. Autour du podium de l'arrivée de la première étape comme autour du bar de l'hôtel, les occasions de rencontrer des personnalités sont multiples, à commencer par Andrea Bartali (2), fils de Gino, récemment sous les feux de l'actualité suite aux révélations de l'UCI sur les activités du campionissimo envers les juifs pendant la seconde guerre mondiale. Andrea qui a co-préfacé avec la fille de Fausto Coppi l'excellent livre Coppi & Bartali (3) a terminé un livre personnel sur la vie de son père et qui devrait être disponible très prochainement.

Unique suisse au départ de cette course, le jurassien Raymond Kuenzli, membre du team élite suisse EKZ Racing en 2011, courre désormais sous les couleurs de la nouvelle équipe professionnelle canadienne Team SpiderTech-C10 dirigée par l'ancien professionnel canadien Steve Bauer. Rencontré dans la petite ville de Gatteo après le chrono par équipe, le protégé de Paul Koechli avouait quelques problèmes en ce début de saison pour trouver la condition nécessaire à son nouveau statut.

Alors qu'il vient d'ouvrir les portes, l'hôtel Gambrinus de Riccione a fait le plein en ce milieu de semaine. Entre les huit coureurs et l'encadrement de l'équipe Team Ideal Conad, tous logés pendant les premiers jours de la Coppi-Bartali et le groupe de haut-valaisans du vélo-club de Susten venus en très grand nombre, l'ambiance est celle des trattoria italiennes. Le peak sera atteint à l'arrivée du jeune Andrea Palini, ovationné lors de son entrée dans la salle à manger de l'hôtel pour sa première victoire chez les pros lors de cette première étape. Une course qui verra un doublé d'un autre jeune et très prometteur italien, Diego Ulissi (classe 1989 tout comme Elia Viviani également présent), comme me le confirmera l'actuel directeur sportif du Team ISD Lampre, Roberto Damiani, également rencontré à l'hôtel.

Des fonds de vallées aux routes étroites qui relient les borghi posés sur les hauteurs des collines, l'arrière pays romagnol, aux confins des Marches et de la Toscane, regorge de possibilités en terme d'entrainement. En nous joignant aux groupes des haut-valaisans dont les plus forts sont en préparation de la prochaine patrouille des glaciers, Daniel et moi auront durant toute cette semaine de quoi échanger quelques belles parties de manivelles sur les pentes de San Leo, de San Marin, du Passo Grillo, de Villagrande avec ses champs encore couverts de neige et d'autres plus sèches comme celles de Tavoleto ou du bourg médiéval de Veruchio, et cela même si la forme actuelle ne nous autorisera pas à de très longues sorties comme cela l'a été par le passé.

Photo : En compagnie de Andrea Bartali.


(1) De marque Piaggio, l'Ape (abeille en italien) est un triporteur développé dans les années 50 et issu de la Vespa.
(2) Fils aîné de Gino Bartali et président de la Fondation Onlus Gino Bartali.
(3) Coppi & Bartali par Gian Paolo Ormezzano, Editions San Paolo (italien uniquement).

vendredi 17 février 2012

Un fauteuil de centenaire au record de l’heure

C’est dans une ambiance qui traduisait bien que l’on allait assister à quelque chose de pas tout à fait ordinaire que fut donné le départ pour une heure sur le vélodrome du Centre Mondial du Cyclisme à Aigle à un centenaire venu de France, plus précisément d’Ardèche.

Aux invités et officiels qui garnissaient les gradins de la ligne de départ s’opposaient les nombreux supporters ardéchois venus en nombre encourager « Robert » dans un exercice unique, rouler une heure sur une piste avec un vélo à pignon fixe. Un pari initié par lui-même et soutenu par ses amis et sa région, dont on sait à quel point elle fait couple avec l’Ardéchoise, la bien nommée, que l’on ne présentera pas.

L’exception Robert

Pour satisfaire au fait que l’allure de Robert Marchand ne pouvait être suffisante pour rouler à la ligne noire (ligne de mensuration placée 20 cm au dessus du bord de la piste), il fut décidé que ce dernier roulerait sur la bande de roulement bleu azur au pied de la piste. Un écart au règlement qui n’aura pas d’autres conséquences qu’une réduction de la distance d’un tour parcouru, finalement mesuré par les commissaires à 195,4 m, soit quelques 4,6 m de moins que les 200 m officiels.

A mi-distance du record mondial

Avec 24,251 km parcourus dans l’heure, Robert Marchand a, comme par un certain hasard, parcouru la moitié du record mondial de la discipline (abstraction faite des résultats au dessus des plus de 50 km dans l’heure biffés par l’UCI). L’effort et la distance ou puissance et vitesse pour être plus précis, ne suivent pas des courbes parallèles, loin de là. On peut raisonnablement affirmer qu’une centaine de Watts sont nécessaires pour maintenir une cadence d’environ 30’’ au tour, alors qu’il en faut cinq fois plus pour aller chercher le record de l’heure actuel.

« Je ne suis pas un champion, juste un homme ordinaire », ainsi s'exprime Robert Marchand

Si Robert Marchand plaisantait encore avant de monter sur sa machine, en ayant pris soin de faire quelques tours pour s’échauffer : « Vous en avez chronométré beaucoup des centenaires ? », message adressé au commissaire venu lui faire les recommandations concernant la machine dans laquelle le vélo allait être retenu jusqu’au top de départ.

Une heure plus tard, Robert Marchand, n’avait pas perdu sa gouaille : « Je ne suis pas un champion mais un homme ordinaire, mon record sera battu, j’en suis sûr ! » Cette même remarque revenait dans les échanges qui suivirent sa descente du vélo alors qu’on lui demandait s’il souhaitait se remettre en selle prochainement pour battre son propre record : « Non, maintenant c’est aux autres de venir le battre, et dans ce cas je reviendrai ! ». Il ajoutera encore : « Je n’ai pas souffert, j’ai seulement eu des crampes dans les mains ».

Responsable au sein de la Fédération française de cardiologie, le Dr. Jacques Beaune, avait de la peine à cacher son émotion alors que l’on avait déjà passé la demi-heure course. Un émoi à peine dissimulé par une objection sur l’inné : « Il a la chance d’avoir eu de bons parents » et d’ajouter, « le facteur génétique est fondamental dans le vieillissement, ce gars à un âge physiologique de 75 ans ». Avec un rythme cardiaque au repos de 58 et de 120 maximum mesuré lors d’un test préparatoire - on est pas très loin de la règle des 220 moins l’âge – le cœur du centenaire ardéchois a paru battre tout au long de l’épreuve aussi régulièrement que son rythme autour de la piste. A sa descente de vélo, après avoir fait encore deux tours à très basse vitesse et une fois assis sur une chaise, les cardiologues mesureront 110 pulsations.

Un pionnier nommé Robert Marchand

En ouvrant une catégorie Masters pour les plus de 100 ans sur l’épreuve de l’heure avec une première ligne au palmarès pour le pionnier Robert Marchand, l’UCI a peut-être la volonté de remettre un nouvel éclairage sur une discipline boudée par les élites du cyclisme. S’agissant des vétérans, l’intérêt n’est évidemment pas à trouver dans l’exploit absolu mais dans l’extension de l’offre pour le plus grand nombre, à moins que gérontologie et sport soient dignes d’intérêt aux yeux des responsables.


Photo (W. Fracheboud/bikeinlove) : Robert Marchand parmi ses supporters en compagnie de Magali Humbert-Perret (ex médaillée sur piste et entraineur de Robert Marchand et Gérard Mistler, président de l'Ardéchoise. D'autres photos sur www.flickr.com

samedi 4 février 2012

Janvier, le mois des « justes »

L’hiver a ceci de bon qu’il nous offre le temps de réviser nos classiques. S’y joignent les hasards du calendrier qui, avec beaucoup d’opportunité, nous y invitent également. Epiques ou héroïques, ces faits sont bien la matière qui donne au sport, et au cyclisme notamment, sa légende.

Albert Richter

Après une première diffusion sur Arte en début d’année 2010, la TSR diffusait un an plus tard l’excellent documentaire de Michel Viotte ("Albert Richter, le champion qui a dit non"). Ce documentaire, qui date de 2005 fait intervenir historiens et biographes et relate la vie d’un exceptionnel champion allemand de l’entre-deux guerres et la douloureuse réalité de l’époque.

Résistant à la montée du nazisme, n’hésitant pas à défier les autorités (il refusera systématiquement le salut nazi), refusant de se faire complice de la propagande et des manipulations dont faisait l’objet l’élite allemande, Albert Richter (1) apportera de plus un soutien inconditionnel à son entraineur juif, Ernest Berliner. Albert Richter entretiendra avec son entraineur une amitié inconditionnelle et des relations qui finalement lui couteront la vie. « Suicidé » par la Gestapo le 2 janvier 1940 suite à une interpellation à la frontière suisse.

Albert Richter est depuis devenu un héros du cyclisme allemand et l’une des figures emblématiques de l’exposition «Le sport à l’épreuve du nazisme» qui a lieu actuellement à Paris. Dans sa rubrique rétro, le mensuel «Vélo Magazine» de ce mois de février publie un très beau reportage sur la vie d'Albert Richter signé Raphaël Godet, collaborateur au journal «l’Equipe».

 Gino Bartali

Révélée par l’UCI fin janvier, la nouvelle a rapidement fait le tour de la planète cyclisme. C’est grâce à un travail universitaire suivi d’investigations menées par le fils de Gino Bartali (2), Andrea Bartali, et la journaliste Laura Guerra, que Gino Bartali devrait être distingué à titre posthume par l’Etat d’Israël de «Juste parmi les Nations» pour ses actions durant la seconde guerre mondiale.

Gino Bartali, dont faut il rappeler qu'il gagna trois Tours d’Italie et deux Tours de France à dix ans d’intervalle (1938 et 1948), mènera pendant la guerre des activités clandestines au service de la communauté juive d’Italie. Grâce à une certaine liberté d’action, il utilisera ses longues sorties d'entrainement pour cacher dans le cadre de son vélo documents et argent qui permirent à des juifs italiens de s’échapper en passant par la Suisse et à d’autres de survivre dans la clandestinité.

La presse s'est fait très largement l'écho d'un fait que Gino aura toujours gardé pour lui, ne laissant rien filtrer, même à ses proches. De nombreuses lectures sont disponibles dont l'excellent article "Gino le Juste" de Laurent Vergne disponible sur le site eurosport.com. Le quotidien Le Temps dans son édition du 2 février consacre une page entière à la nouvelle en y ajoutant des éléments historiques bienvenus sous la plume de Michaël Perruchoud (3).

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(1) Albert Richter est l'un des plus grands coureurs cyclistes allemands de l'entre-deux-guerres. Alors que la machine nazie prend peu à peu le pouvoir en Allemagne, Richter reste fidèle à son entraîneur juif, Ernst Berliner, et prend tous les risques pour lui venir en aide. Richter est retrouvé mort le 2 janvier 1940.
(2) Gino Bartali est décédé à l’âge de 86 ans en mai 2000. La carrière sportive de Gino Bartali est systématiquement opposée à celle de Fausto Coppi (décédé le 2 janvier 1960 à l'âge de 40 ans) pour leur légendaire opposition dans la fin des années 40 et au début des années 50. Une rivalité qui fera bien plus que diviser l’Italie, la droiture de Gino « le pieux » contrastant avec les libertés prises par son jeune adversaire.
(3) Michaël Perruchoud a publié en 2008 aux Editions l'Age d'Homme un pamphlet (Bartali sans ses clopes).

Photo : Albert Richter avec son Manager Ernst Berliner (Photo Archiv W. Schoppe/Hall of Fame des deutschen Sports Radsport-Weltmeister und Nazi-Opfer).