samedi 27 octobre 2012

Le vélo et le cinéma : Objet du désir

Après avoir égratigné le monde de la BD pour avoir longtemps laissé le vélo hors des planches à dessins, les albums de Christian Lacroix (alias Lax) sont venu contredire des allégations jusque là bien légitimes. Certes, il y a bien eu les aventures du Petit Nicolas, mais là on est en classe enfantines à côté de la trilogie signée Lax. Une trilogie qui ressemble à un triptyque tant la touche artistique est marquante.

Cet obscur objet du désir

Le cinéma ne daigne pas non plus attacher trop d’importance au vélo. On oubliera Le Vélo de Christian Lambert, caricature d’un champion vampirisé. Mieux les apparitions rares et sublimes de Jeanne Moreau dans Jules et Jim ou la scène de Butch Cassidy and the Sundance Kid d’une extrême sensualité où le couple Paul Newman – Katharine Ross (elle en amazone sur le cintre) dévale une pente. Restent le morceau de bravoure historique Fausto et la dame blanche, mélodrame sur la vie sentimentale d’une icône et les films de Jacques Tati, dont l'inoubliable Jour de fête. Mais le vélo comme sujet d’intrigue reste rare. Le vélo du récent Gamin au vélo des frères Dardenne n’est qu’un objet, pas le sujet.

Sorti de la pénombre grâce au DVD, Le voleur de bicyclette est un monument du cinéma italien. Réalisé par Vittorio de Sica en 1948 avec des acteurs non professionnels, le film est l’archétype du néoréalisme. Si le film a longtemps été au centre des débats entre cinéphiles (à lire les analyses du film par la critique dont celles d’André Bazin ou de Gilles Deleuze), c'est justement parce qu'il cassait les conventions narratives traditionnelles au profit d'une structure nouvelle, en phase avec les changements de société des années 50.

Fable sociale et humaine dans une Italie (l’histoire se passe à Rome) qui se reconstruit au sortir de la guerre, le film exerce une rare puissance dramatique dans un contexte économique difficile et dans lequel le vélo est au centre de l’intrigue.

Au chômage, privé de sa bicyclette pour avoir dû la laisser en gage, notre héros devra se saigner aux quatre veines (son épouse vendra le linge de la maison) pour récupérer un bien indispensable à un inespéré boulot de colleur d’affiche et se redonner un peu d’espoir. Un espoir qui sera rapidement anéanti. Se faisant voler son vélo, notre héros passera ses journées à tenter de le retrouver pour finalement, en vain, se transformer en voleur. Arrêté, lynché et humilié devant son jeune fils, c’est pourtant de ce dernier que viendra l’espoir, rendant à son père une dignité perdue lors d’une dernière scène poignante.

Souvent classé dans les dix meilleurs films jamais réalisés (il est le préféré de Woody Allen), le film a néanmoins été critiqué pour avoir donné une image misérabiliste de l’Italie et de faire penser que les italiens seraient tous des voleurs de vélo (le titre original est Ladri di biciclette). Un chef d’œuvre du cinéma qui peut aussi se lire, le film étant une adaptation du livre de Luigi Bartolini « Les voleurs de bicyclettes », publié deux auparavant.


Photo : Lamberto Maggiorani et Enzo Staiola. Crédits photo : DVDBeaver

Le voleur de bicyclettedernière scène (YouTube)

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