samedi 5 février 2011

Tribulations d’un vaudois en Malaisie


Après trois années passées dans l’équipe Continental Atlas (Atlas Personal BMC en 2010), Guillaume Bourgeois, 27 ans, souhaitait rompre avec cette équipe pour allez voir ailleurs, sentiment bien légitime lorsque l’on constate que l’on a fait le tour de son univers et que la motivation commence à faire défaut.

Alors que la période de transfert avait largement commencé, Guillaume m’a demandé de démarcher en sa faveur auprès du directeur sportif (suisse) de l’équipe CKT-Champion System, Markus Kammermann. Près de deux semaines plus tard, Guillaume signait à sa plus grande satisfaction. L’équipe, renommée Team Champion System, conserve sont statut de Continental, toujours avec une license asiatique.

Guillaume nous livre ici quelques unes des ses impressions au retour de Malaisie où il vient de terminer le Tour de Langkawi (dix étapes) à une très bonne 29e place, classé meilleur de son team (wfb/bilcm).

Langkawi. Ce nom me faisait penser aux îles mystérieuses de l’océan indien contées par les navigateurs du XVIIe. En réalité, même si j’étais impatient d’y être, d’autant plus que comme à chaque fois il avait fallu suer pour avoir le droit d’y poser ses roues (loi du marché oblige, et oui le sport aussi est capitaliste !), je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. On m’avait prévenu que le climat malaisien était particulier. En fait, la sensation ressentie lorsque la porte de l’avion s’ouvre sur le tarmac de Kuala Lumpur s’apparente à l’entrée dans un hammam géant. 45 degrés, 100% d’humidité: même les cailloux transpirent.

Donc, nous voilà les six à tourner en rond pendant les deux jours qu’il nous reste à tuer avant le coup de pistolet. Rapide passage en revue du casting constitué par mes compagnons de route. Outre deux chinois représentant la “caution politique” de l’équipe basée à Hong Kong, l’effectif est composé d’un australien tatoué et surfeur à ses heures perdues sur la Gold Coast, d’un allemand (de l’Est) qui, lorsque l’on s’adresse à lui en allemand, répond en anglais et, surtout, de Jaan (Kirsipuu).

Le vieux bouledogue estonien a des milliers de courses dans les jambes et presque deux centaines de victoires dont quatre sur le Tour, montre toujours les dents lorsqu’il voit se profiler une ligne d’arrivée. Incroyable Jaan, 41 ans, bon pied, bon oeil... et une sacrée descente, surtout lorsqu’il s’agit, le soir, d’oublier qu’il se trouve au fin fond de la jungle malaise, parce que, tout simplement, rien ne lui apporte dans la vie autant d’adrénaline qu’une course de vélo. Il faut voir de ses yeux le spectacle qu’il donne dans les cinq derniers kilomètres, le casque relevé sur le haut du front et les mains au bas du guidon (toujours), en se dégageant un passage à travers le peloton à grands coups d’épaules, respectant l’unique loi de la caste des vrais sprinters: ne jamais lâcher les mains du cintre (l’unica regola : mani sul manubrio !).

Dix étapes donc. Huit sprints et deux arrivées en altitude. Et deux néo-pros remarquables : Andrea Guardini et Jonathan Monsalve. Le premier fait sauter la banque et arrêter son directeur sportif de fumer en claquant cinq étapes. Ma foi, on ne gagne pas vingt fois chez les amateurs en Italie (son score de l’année passée) sans être un pur-sang du sprint. Le seul en tout cas à ridiculiser les kamikazes asiatiques qui tueraient leur mère pour une cinquième place, peu importe si les dommages collatéraux consistent en un mikado géant de vélos imbriqués. Quoi qu’il en soit, on se réjouit déjà de voir “il Guarda” remettre Cavendish à la place qui est la sienne, à savoir celle d’un petit anglais rougeaud et colérique.

Monsalve ensuite, lui aussi est pourvu d’un palmarès amateur des plus clinquant, avec une étape au Baby Giro et une au Val d’Aosta (on appréciera). Le lévrier vénézuélien au regard noir et grimpeur de haute race, qui malgré une victoire lors de l’étape reine, a dû batailler jusqu’au bout dans les sprints à bonifications pour parvenir à détrousser l’ancêtre colombien Nino Corredor de la tunique de leader... Le bon air des Andes, sans doute.

En course, le temps ne s’écoule pas de la même manière ; déjà la dernière étape et encore cinq petits tours le long des Petronas Towers. A peine le temps de faire un plongeon (enfin!) dans la piscine de l’hôtel et de boire une bière (bon d’accord trois ou quatre bières...) avant de prendre l’avion : Back to the West !

Guillaume Bourgeois, Team Champion System

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Photo (Champion System) : Stage 7 - Banting - Tampin, 149.5 km