samedi 11 avril 2009

Histoire du sprint : Taylor, Vails et Baugé, frères de peau


La victoire du Français Gregory Baugé dans l’épreuve reine lors des derniers Championnats du monde de cyclisme sur piste a suscité peu de remarques au sein de la presse spécialisée si ce n’est les éloges pour cette performance. Dans le grand public, la question souvent relevée est pourquoi le cyclisme est-il un sport au sein duquel peu de sportifs noirs se sont mis en évidence.

BikeInLove n’entrera pas dans le débat sociologique et pas davantage sur les différences physiologiques relatives. Nous nous contenterons de constater que les sportifs aux origines africaines, quelles que soient leur nationalité, brillent en athlétisme et dominent la plupart des disciplines. Si la domination s’est d’abord manifestée dans les épreuves de sprint, elle s’est ensuite étendue aux courses de grand fond. Seul le demi-fond et curieusement le marathon restent des bastions disputés entre noirs et blancs.

On rappellera que le cyclisme, tout comme l’athlétisme, est un sport pluridisciplinaire faisant appel à des qualités physiologiques diverses, parfois opposées, voire même antagonistes selon les disciplines concernées. Et ce n’est certainement pas un hasard si les rares personnalités sportives connues de couleur noire dans le cyclisme l’ont été et le sont dans les disciplines du sprint, là où l’expression de puissance est prioritaire.

Major Taylor, athlète pionnier et tutélaire

Qu’il me soit permis ici de rappeler que le coureur cycliste noir le plus connu, cycliste américain emblématique auquel il a encore récemment été rendu hommage (*) et sur lequel il existe une abondante documentation, fût Major Taylor, de son vrai nom Marshall Walter Taylor. Major Taylor fût sacré sept fois champion du monde à la frontière des XIX et XXe siècles, voici désormais plus de 100 ans. Il a été considéré, à cette époque, tout simplement comme l’homme le plus rapide de la planète. De nombreux sites internet relatent la biographie de ce jeune prodige devenu champion du monde à 20 ans. Néanmoins, pour tous ceux qui souhaitent se plonger dans l’univers de cette Amérique en plein âge d’or du cyclisme, je les invite à lire le livre d’Andrew Ritchie, publié en 1988 et traduis l’année suivante aux éditions Souffles sous le titre « Major Taylor, La fabuleuse carrière du sprinter noir ».

C’est bien plus tard, en 1984, lors des Jeux olympiques de Los Angeles, que refit surface les exploits de Major Taylor. Peut-être certains d’entre-vous se souviennent de la finale du sprint, opposant deux américains, Mark Gorski et Nelson Vails. Le second, enfant de Harlem, marié très jeune gagnait sa vie comme messagers à vélo, livrant le courrier dans Manhattan. Ajoutant 60 km à ses tournées journalières il complétait ses entraînements le week-end sur le vélodrome du Queens (New Jersey). Glanant de nombreuses victoires dans les états environnants, il fut sélectionné par la fédération américaine en 1982 et remporta l’année suivante les Jeux panaméricains. Enfin, il fut le héros malheureux de la finale aux Jeux d’été, s’inclinant de justesse face à Mark Gorski.

Français d’origine Guadeloupéenne, Grégory Baugé, 24 ans, s’est imposé fin mars lors des récents championnats du monde sur piste disputés en Pologne. Après plusieurs titres en vitesses par équipes et finaliste en 2007, il remporte, non sans opposition, la vitesse individuelle, épreuve reine de la piste.

Genève et ses vélodromes

Pour nous genevois, il n’est pas inutile de rappeler que Taylor a participé à de nombreux « matches » en Europe, principalement sur le vélodrome parisien de Buffalo. De source non vérifiée, Taylor participa aux Championnats du monde de 1906 sur le vélodrome de la Jonction (à ne pas confondre avec le vélodrome de Plan-les-Ouates construit en 1920). Quant à Nelson Vails, il vint à deux reprises à Genève dans la fin des années 80 pour participer aux tournois de vitesses où il y côtoyait le phénoménal Michael Huebner, colossal bébé de l’ex RDA.

(*) Né dans l'Indiana, Taylor émigra a Worcester (Massachussets), ville qui lui consacra une exposition en mai 2008 en présence de nombreuses personnalités du monde sportif américain dont Greg Lemond et Nelson Vails. Le vélodrome d'Indianapolis porte le nom de Major Taylor.

Pour en savoir plus ...
Portrait du « Nègre volant » Mémoire du Cyclisme

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